samedi 8 mars 2008

AMÉRIQUE LATINE • Un sommet explosif

7 mars 2008


Hasard du calendrier, le Groupe de Rio se réunit en République dominicaine en pleine tension régionale. Les pourparlers entre chefs d'Etat vont bon train dans le but de trouver une solution pacifique.

"Une autre Amérique est possible". Un manifestant anti-Uribe à Guatemala. AFP



Depuis jeudi soir [6 mars], le président colombien Alvaro Uribe rencontre à Saint-Domingue plusieurs dirigeants latino-américains afin de s'assurer de leur soutien dans la crise qui l'oppose à ses homologues de l'Equateur, du Venezuela et du Nicaragua [Daniel Ortega, a rompu les relations diplomatiques entre les deux pays en signe de protestation contre Uribe]. C'est la première fois que ces quatre chefs d'Etat vont se retrouver face à face depuis la crise déclenchée par le raid colombien en territoire équatorien [le 1er mars, qui a causé la mort du numéro deux des FARC, Raúl Reyes].

Les thèmes qui devaient être abordés lors de cette rencontre du Groupe de Rio [organisation créée en 1986 visant à une meilleure coopération entre les pays latino-américains, elle compte aujourd'hui 19 membres], à savoir les ressources énergétiques, le développement régional et la gestion des catastrophes naturelles, vont passer au second plan. Tous les regards sont braqués sur les moindres faits et gestes d'Alvaro Uribe, de Hugo Chávez, président du Venezuela, de Rafael Correa, président de l'Equateur et de Daniel Ortega, président du Nicaragua.

D'après certaines sources [diplomatiques], l'intention du front anticolombien est d'obtenir une condamnation de l'intervention colombienne en Equateur dans la déclaration finale de la rencontre. L'Equateur va tout tenter pour gagner ce bras de fer, après le succès diplomatique remporté par la Colombie lors du dernier Conseil permanent de l'OEA [Organisation des Etats américains]. Mais Uribe ne compte pas se laisser faire. Il est arrivé en République dominicaine avec une foule de documents [saisis lors du raid], notamment des vidéos de la guérilla en territoire équatorien et vénézuélien, mais aussi des discours belliqueux du président Chávez à l'encontre de différents pays, au cours de ses neuf années au pouvoir.

Uribe détient une carte maîtresse qu'il n'hésitera pas à sortir : rappeler qu'il y a vingt ans, le Nicaragua a mis en place l'opération "Danto 88", qui a consisté à intervenir au Honduras afin d'attaquer plusieurs bases des contras [contrarevolucionarios, anciens de la garde nationale soutenus par les Etats-Unis.]. A l'époque, le président du Nicaragua était déjà Daniel Ortega qui, aujourd'hui, s'insurge contre l'intervention de la Colombie en Equateur afin de rompre les relations diplomatiques avec notre pays.

A son arrivée à Saint-Domingue, Uribe s'est entretenu avec les présidents de la République dominicaine, Leonel Fernández, du Salvador, Elías Antonio Saca, et avec le ministre des Affaires étrangères brésilien, Celso Amorím. Uribe a également rencontré en privé le secrétaire général de l'OEA, José Miguel Insulza, ainsi que les présidents mexicain et guatémaltèque, Felipe Calderón et Alvaro Colom. Leonel Fernández a proposé à Uribe de participer à une réunion privée avec Rafael Correa et Hugo Chávez, en vue d'une conciliation, mais Uribe a refusé. Alvaro Colom, à son arrivée à Saint-Domingue, a pour sa part annoncé qu'il œuvrerait dans la même direction, et que c'est pour cela qu'il tenait à rencontrer Uribe et Chávez séparément. Quant au président du Mexique, Felipe Calderón, il a fait part de son désir de trouver une issue diplomatique à cette crise régionale.

Ce n'est pas la première fois que le Sommet de Rio est ainsi instrumentalisé par les chefs d'Etat afin de régler leurs problèmes bilatéraux. Lors des premières éditions, les projecteurs étaient braqués sur l'ancien président cubain, Fidel Castro, et ses diatribes contre les programmes d'ouverture économique ou l'embargo américain. Aujourd'hui, c'est le président vénézuélien qui compte profiter de la médiatisation du sommet pour se mettre en avant. Uribe n'est pas non plus novice en la matière. Lors du sommet de 2003, il avait déjà eu une petite altercation avec son collègue vénézuélien qui était restée sans suite. Aujourd'hui, le ton a changé. Uribe sait non seulement qu'il va devoir affronter Chávez mais qu'il lui faudra également supporter les discours incendiaires que Correa et Ortega ne manqueront pas de faire.


Edulfo Peña, envoyé spécial à Saint Domingue
El Tiempo

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