samedi 8 mars 2008

ÉQUATEUR • Que faisaient les FARC en pyjama ?

5 mars 2008

Le raid contre la guérilla mené par les forces colombiennes en Équateur, le 1er mars, a provoqué une crise entre les deux pays. Mais pour l'éditorialiste d'El Universo, c'est l'inertie des autorités militaires de Quito qui pose problème.

Un soldat équatorien sur les lieux du raid de l'armée colombienne
2 mars 2008, AFP


Le raid mené par l'armée colombienne [qui s'est soldé par la mort du numéro deux des FARC, Raúl Reyes, le 1er mars] a une fois de plus démontré que la narcoguérilla passait et repassait à volonté la frontière de l'Equateur comme si elle était chez elle. Ce n'est sans doute pas un hasard si deux chefs des FARC ont été soit capturé (Simón Trinidad en 2004) soit abattu (Raúl Reyes) sur le sol équatorien.

Le plus grave, c'est que, dans les deux cas, ce sont les services de renseignement colombiens et non équatoriens, qui étaient au courant. L'épisode Reyes est pour le moins humiliant : ce ne sont pas nos services de renseignement qui ont informé Rafael Correa [le président équatorien] de la présence de Reyes et de son camp de base sur notre territoire, mais le président [de la Colombie] Alvaro Uribe — et c'est lui encore qui l'a tenu au courant des derniers événements.

Notre armée ne savait-elle donc rien ? Ne dépensons-nous pourtant pas des millions de dollars pour assurer la sécurité de nos frontières ? Soit ces dépenses sont absolument inefficaces, soit, plus simplement, on ne dépense pas ce budget. Comment comprendre dans ce cas que ces messieurs les barbouzes excellent tant à surveiller l'opposition et soient incapables de tenir les FARC à l'œil ? Notre passivité pourrait s'expliquer par l'existence de liens entre de hauts fonctionnaires du régime et les FARC — ce qui serait très grave.

Mais l'autre hypothèse est pire encore : elle implique que les autorités équatoriennes auraient bel et bien été au courant de la présence de Reyes et des détails de l'opération, et que seul le fait que l'armée colombienne ait négligé d'évacuer tous les corps suffisamment rapidement a obligé Quito à protester. Nos militaires le savaient-ils et ont-ils dissimulé cette information ?

L'histoire des pyjamas est tout aussi déroutante [la plupart des guérilleros ont été surpris dans leur sommeil, en pyjama]. Il n'a effleuré personne que les FARC dormaient en pyjama dans la jungle. Sauf à se sentir vraiment très en sécurité sur le sol équatorien. Et encore. Viendra-t-on bientôt nous raconter qu'ils enfilaient aussi leurs pantoufles et buvaient un bon lait chaud avant d'aller se coucher ?

Un examen de la zone pourrait aider à comprendre ce qui s'est réellement passé. Pour l'instant, nous n'avons que la version des autorités colombiennes : il y a eu un combat au cours duquel l'armée colombienne a perdu un soldat. En un certain sens, le fait d'avoir été attaqués depuis l'Equateur les couvre, du point de vue du droit international. Au vu de l'échec total de nos "renseignements militaires", cette version semble en effet plus acceptable que celle des "pyjamas".

Au-delà de toutes les protestations, excuses, et rappels d'ambassadeurs, il ne faut pas oublier l'essentiel, à savoir que cet épisode signe une défaite cuisante des FARC et une victoire d'Uribe. Une preuve de plus que sa persévérance paye. Il semble toutefois curieux qu'un porte-parole des FARC elles-mêmes se soit avancé à déclarer que ce qui s'était passé ne doit pas interrompre le processus humanitaire. A croire que, même pour certains guérilleros, la mort de Reyes est une occasion de se dépêtrer d'un conflit qu'ils estiment perdu.

Quand ce chapitre se refermera et qu'arrivera la paix, Chávez et ses partisans resteront sur le trottoir de l'histoire, comme complices de ceux qui ont infligé tant de souffrances à des millions de frères colombiens.


Hernán Pérez-Loose
El Universo

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